Souffles anorganiques de l'enfant

 

 J.I.M
Dr François Godort


Une sémiologie fine suffit pour poser le diagnostic de souffle anorganique chez l'enfant et rassurer les parents.
La découverte d'un souffle précordial chez l'enfant est fréquente et pose souvent des problèmes diagnostiques qui inquiètent les parents, voire le médecin traitant. Les motifs de découverte sont variables : parfois lors d'une consultation systématique, d'un syndrome fébrile, lors d'un bilan d'aptitude sportive... ou encore chez des enfants présentant une cyanose ou une dyspnée, qui évoquent alors une cardiopathie.

Néanmoins, la majorité des souffles perçus à l'auscultation sont des souffles anorganiques, appelés physiologiques, bénins ou innocents. Ils présentent différentes caractéristiques. Ce sont presque toujours des souffles systoliques, le plus souvent proto-mésosystoliques. Leur intensité est faible et leur siège précis, avec parfois des irradiations (cou, dos, aisselle). Ils sont le plus souvent isolés, parfois accompagnés d'un dédoublement du second bruit, mais sans frémissement palpatoire. On peut aussi observer une variabilité du souffle avec la position de l'enfant. L'ECG et la radiographie thoracique sont strictement normaux. L'évolution est toujours favorable, les souffles anorganiques pouvant persister ou disparaître avec le temps.


1. Formes cliniques

Souffle musical endapexien ou méso-cardiaque
I1 est le plus fréquent et serait dû aux flux turbulents dans la chambre de chasse du ventricule droit ou gauche. Il est perçu le long du bord gauche du sternum et à l'endapex. C'est un souffle méso-systolique, musical (à type de bourdonnement d'insecte). II peut varier avec la respiration et la position de l'enfant.

Souffle systolique pulmonaire éjectionnel.
Dû au flux sanguin pulmonaire, il vient en second lieu. Il est entendu au 2e ou 3e espace intercostal gauche et irradie vers le haut et dans le dos. C'est un souffle de tonalité douce, légèrement sifflant, bref (proto-mésosys-
tolique), Il peut mimer un souffle de communication interventriculaire. On l'observe souvent chez les enfants longilignes ou atteints de scoliose. Il disparaît avec le temps.

Ces deux dernières formes sont les plus fréquentes. On peut néanmoins observer d'autres types de souffles.

Souffle veineux du cou
Il provient du flux turbulent existant dans les veines jugulaires et sous-clavières. C'est un souffle continu, systolo-diastolique. Il est perçu dans la région sousclaviculaire droite et à la base du cou, surtout en position debout. Il peut être majoré à l'inspiration profonde ou lors de certaines manoeuvres (rotation controlatérale de la tête et abaissement de l'épaule). En revanche, il diminue, voire disparaît en position allongée.

Souffle carotidien ou supraclaviculaire:
Il est la conséquence du flux sanguin dans les vaisseaux du cou. C'est un souffle éjectionnel, proto-systolique. Il diminue lors de l'hyper-extension de la tête et augmente à la flexion.

Souffle systolique de base du nouveau-né
Il est expliqué par la diminution relative de calibre entre le tronc de l'artère pulmonaire et ses deux branches, C'est un souffle méso-systolique, bref, qui peut irradier dans l'aisselle et le dos. Au doppler, on enregistre souvent un gradient minime à l'origine d'une des deux branches pulmonaires, Il disparaît au bout d'un mois.


2. Diagnostic différentiel

Souffle endapexien
Diagnostic différentiel
- petite communication inter-ventriculaire (souffle irradiant dans tout le précordium) ;
- fuite mitrale (souffle holo-systolique) ;
- maladie de Barlow (clic méso-systolique avec souffle télé-systolique, parfois bruit rauque systolique à type de "cri d'oie") -,
- myocardiopathie obstructive, accompagnée à l'ECG de signes d'hypertrophie ventriculaire gauche avec troubles de la repolarisation.
Souffle systolique au foyer pulmonaire

Diagnostic différentiel:
- sténose pulmonaire valvulaire (clic proto-systolique bas situé) ;
- coarctation de l'aorte (il existe une différence de pression artérielle entre membres supérieurs et inférieurs ; souffle perçu également au niveau de l'espace inter-scapulo-vertébral gauche ; encoches costales à la radiographie thoracique ... ).

Souffle systolique au niveau du cou
Diagnostic différentiel
- sténose des valves aortiques, liée ou non à une bicuspidie aortique (hypertrophie ventriculaire gauche à
l'ECG) ;
- coarctation de l'aorte.
En pratique, il ne faut pas oublier que, lors de tout syndrome fébrile, il est fréquent de percevoir un petit souffle systolique mésocardiaque. Il en est de même en présence de syndromes hyperkinétiques (hyperthyroïdie, grandes anémies, fistules artério-veineuses, béribéri ... ).


3. Conclusion
Le diagnostic de souffle anorganique est avant tout clinique. Une fois porté, il faut rassurer formellement les parents et, à l'évidence, n'imposer aucune restriction à toute activité sportive. En outre, il n'est pas nécessaire de revoir ces enfants en consultation, En revanche, s'il existe des signes associés, l'avis d'un cardio-pédiatre s'impose, qui jugera de la nécessité éventuelle d'effectuer une échocardiographie.