Prothèses valvulaires cardiaques : complications et surveillance
Elisabeth BORREL- Août 1997
L'essentiel :
- Traitement anticoagulant bien suivi
- Prophylaxie de l'endocardite infectieuse
- Interférences médicamenteuses
- Risque thrombo-embolique
- Echocardiographie annuelle
Les différents types de prothèses
Les complications des prothèses
Surveillance d'un patient porteur d'une prothèse
valvulaire cardiaque

1. Les différents types de prothèses
1.1.Les prothèses mécaniques
Le traitement anticoagulant (Héparine ou antivitamine K) ne doit jamais
être arrêté
Les prothèses implantées :
- Prothèses à bille (qui actuellement ne sont plus implantées) : Starr
Edwards, Cutter
- Prothèses à disque : Bjork, Omnicarbon, Hall.
- Prothèses à 2 ailettes (les plus fréquemment utilisées) : Saint Jude,
Carbomédics.
1.2. Les prothèses biologiques
- Avec Stent
Bioprothèses porcines (Hancock, Carpentier-Edwards,
Intact-Medtronic) ou péricardiques (Carpentier, Mitroflow).
Elles ne
nécessitent pas de traitement anticoagulant (si le rythme est sinusal), mais
un traitement antiaggrégant. Leur durabilité est altérée par la détérioration
tissulaire primaire (calcifications et/ou déchirure). En moyenne 50% des
bioprothèses dégénèrent au bout de 13 ans (et 20% sont réopérées). Cette
détérioration est plus rapide chez le sujet jeune de moins de 30 ans, chez le
diabétique, la femme enceinte et l'insuffisant rénal.
- Elles sont conseillées chez :
- les femmes en âge de procréer et qui souhaitent avoir des enfants
(risque hémorragique foetal).
- les sujets de plus de 70 ans (la dégénérescence tissulaire est plus
rare) et, de façon plus générale, les personnes dont l'espérance de vie est
de moins de 10 ans.
- les patients qui ont une affection contre-indiquant les AVK
- les malades qui, en raison de leur situation géographique ou
socio-économique, ou de leur état neuro-psychologique, ne pourraient pas
suivre correctement un traitement anticoagulant.
- elles peuvent se discuter chez les sujets sportifs voulant garder une
activité sportive importante.
- Sans Stent ou Stentless (Freestyle, Toronto, Prima)
- Les homogreffes
- Les prothèses annulaires : elles sont utilisées pour réaliser une
valvuloplastie ( de la valve mitrale ou de la valve tricuspide).

2. Les complications des prothèses
2.1. Complications thromboemboliques
Le risque varie de 1 à 1.3% année-patients pour les prothèses mécaniques en
position aortique et de 2.3 à 3% pour les prothèses mécaniques en position
mitrale. (Pour les bioprothèses le taux varie entre 0.2 et 0.6% année-patient).
La thrombose de prothèse peut se manifester par des embolies artérielles
périphériques, une syncope, un OAP, une insuffisance cardiaque droite ou
globale.
Ces complications sont d'autant plus fréquentes que le traitement
anticoagulant est mal équilibré.
Pour les prothèses mécaniques cette complication peut-être gravissime du fait
soit de l'accident embolique, soit des complications hémodynamiques aigües(ailette bloquée). Pour les prothèses biologiques, il s'agit toujours
d'une dégradation progressive, avec un risque très faible d'accident
hémodynamique aigu.
2.2. Accidents hémorragiques : Le risque est de 1.4% année-patients.
Ils sont la rançon d'un traitement anticoagulant mal surveillé ou de la
coexistence de lésions potentiellement hémorragiques (lésions digestives, de
l'arbre urinaire ou dentaire...)
2.3. désinsertion prothétique par lâchage de un ou plusieurs points de
suture. Elle peut-être immédiate (problème technique) ou tardive (le plus
souvent par endocardite).
2.4. greffe bactérienne qui peut être à l'origine d'une désinsertion
ou d'une obstruction par les bourgeons.
2.5. anémie hémolytique, elle est le plus souvent infra-clinique. Dans
le cas contraire elle révèle une complication plus ou moins importante
(désinsertion).

3. Surveillance d'un patient porteur d'une prothèse
valvulaire cardiaque
3.1. Surveillance biologique
- Surveillance de la coagulation: le patient doit être doté d'un
carnet de surveillance. Il est nécessaire d'effectuer un TP et un INR,
plusieurs fois par semaine puis, quand une stabilisation est obtenue, tous les
15 jours et enfin tous les mois (de façon définitive).
Le TP doit être
entre 25 et 35%, l'INR entre 3 et 4.5. Pour certains auteurs, l'INR pourrait
être abaissé entre 2.5 et 3.5, surtout en cas d'adjonction de petites doses
d'Aspirine.
Le risque thrombo-embolique est d'autant plus important qu'il
s'agit d'une prothèse mitrale, que le patient est en FA, que l'OG est dilatée
ou qu'il y a eu des antécédents thrombo-embolique.
Lorsque le traitement
AVK doit être interrompu (extraction dentaire, intervention chirurgicale), son
remplacement par l'Héparine ou la Calciparine est indispensable.
- Surveillance de la numération globulaire : elle doit être vérifiée
2 fois par an. L'apparition d'une anémie doit faire rechercher une hémolyse ou
une spoliation sanguine due à un saignement torpide.
3.2. Les symptômes qui doivent alerter :
- réapparition d'une gêne fonctionnelle ou d'un tableau d'insuffisance
cardiaque après un intervalle libre de mieux être après l'intervention
- apparition d'un souffle à l'auscultation de la prothèse
- survenue d'une douleur angineuse
- troubles neurologiques (amaurose transitoire, hémiparésie voire
hémiplégie) qui peuvent être de nature embolique ou hémorragique.
- syncope
- une fièvre, surtout si elle persiste, doit faire évoquer une greffe
oslérienne sur la prothèse
- une anémie : son origine hémolytique éventuelle doit être précisée.
3.3. Situations à risque qui nécessitent une vigilance accrue.
- Arrêt ou ajout d'un médicament au traitement AVK : les interférences
médicamenteuses sont nombreuses avec les AVK (antibiotiques, hypolipémiants,
AINS, antiépileptiques...)
- Episode infectieux qui doit faire rehercher l'endocardite infectieuse.
- Intervention chirurgicale (extraction dentaire...)
- Modifications
importantes du comportement alimentaire qui modifient les apports en Vitamine
K.
3.4. surveillance échocardiographique :
Elle est assurée par le cardiologue traitant. Il est nécessaire d'avoir, en
postopératoire un examen complet (avec ETO, pour les prothèses mécaniques
mitrales) qui servira de référence pour les examens ultérieurs (le patient est
son propre témoin) En l'absence d'événement intercurrent un examen annuel est
recommandé à la recherche de fuites et pour l'évaluation des gradients.
3.5. prévention de l'endocardite infectieuse :
Elle est impérative chez tous les patients porteurs d'une prothèse cardiaque.
L'endocardite sur prothèse est en effet une complication très grave puisque sa
mortalité est de 50% à 3 ans.
Références :
- Médicorama N 291 " Panorama des prothèses valvulaires cardiaques
- Archives des maladies du Coeur Pratique N11 (Juin 1995)